La musique au secours des plantes

Publié le 9 février 2018

Une équipe de l’Université de Cergy-Pontoise, menée par le biologiste Olivier Gallet, tente d'apporter la preuve que les plantes peuvent bien être soignées par des séquences sonores.

L'équipe d'Olivier Gallet (au centre) dans un laboratoire de la Maison internationale de la recherche, à Neuville.

On a peine à y croire, et pourtant… Courgettes sorties indemnes d’une contamination par un virus, vignes réchappant à un redoutable champignon : les exemples ne manquent pas de cultures sauvées de pathologies et même du manque d’eau par une méthode peu commune et très écologique qui consiste à… leur diffuser de la musique. Des séquences sonores, plus précisément. Le nom de ce procédé novateur : la génodique.

La musique des protéines

C’est dans les années 1960 que le physicien Joël Sternheimer pose les bases de sa théorie de la protéodie (ou « musique des protéines »). Selon lui, les acides aminés qui composent la protéine produisent des vibrations sonores lors de la fabrication de cette dernière. Par conséquent, chaque protéine possède une séquence « musicale » qui lui est propre. Dès lors, pour soigner une plante avec la génodique, il faut d’abord déterminer quelle est la protéine en jeu dans le fléau à traiter, puis composer la mélodie qui activera ou inhibera la fabrication par la plante de la protéine en question.

Application agricoles

La société Génodics, fondée par Joël Sternheimer, s’est appuyée sur ces découvertes pour commercialiser, il y a quelques années, un traitement comprenant la « création » des séquences musicales adaptées aux plantes cultivées et à leurs pathologies ainsi que le dispositif nécessaire à sa diffusion dans les serres ou dans les champs. Car le traitement sonore ne guérit pas définitivement la plante mais stimule les voies de résistances de la plante aux maladies. Il faut donc qu’il soit permanent, même si quelques minutes de musique quotidienne peuvent suffire. Dans le monde des vignerons et celui des maraîchers, les premiers utilisateurs de la méthode apparaissent particulièrement convaincus.

Une collaboration université – entreprise

Mais depuis l’origine, le monde scientifique regarde cette théorie avec circonspection, voire la rejette fermement, considérant que sa véracité n’est pas établie. Or, la validation – ou l’invalidation – scientifique du principe de la génodique va venir de l’Université de Cergy-Pontoise. C’est l’objectif de la collaboration établie entre la société Génodics et  l’Equipe de Recherche sur les Relations Matrice Extracellulaire – Cellule (ERRMECe)  basée à la Maison internationale de la Recherche de Neuville. Son directeur, le professeur Olivier Gallet, biologiste, a mobilisé une équipe de chercheurs et d’étudiants de son laboratoire ainsi que des personnels techniques du département Enseignement de Biologie sur un modèle expérimental : le petit pois. C’est en effet cette plante qui est depuis quelques mois soumise au stress hydrique, c’est-à-dire au manque d’eau. Mais elle est également exposée à la « musique » d’une séquence sonore liée à une voie naturelle de résistance au stress hydrique et produite spécifiquement pour les tests par la société Génodics. L’objectif est d’établir si oui ou non cette « musique »  produit bien des effets sur la plante.

Résultats encourageants

« L’expérimentation sur les petits pois se fait en méthode « double aveugle » explique Mathilde Hindié, ingénieure de recherche au sein de l’équipe. « Certaines plantes sont soumises à une séquence témoin en parallèle de la bonne séquence musicale ; les observateurs ne savent pas de quels échantillons il s’agit et l’analyse des résultats n’est pas faite ici : ainsi, pas d’a priori possible pour les chercheurs ». De son côté, Olivier Gallet concède que les premiers résultats semblent encourageants. « Mais nous avons à produire une « preuve de concept » particulièrement solide afin de pouvoir éventuellement bénéficier du soutien de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) et poursuivre d’autres recherches pour expliquer le phénomène. Nous travaillons en mode recherche-développement, qui exige d’aller très vite aux résultats. Les manipulations touchant à leur fin, la publication des résultats pourrait intervenir d’ici quelques semaines ».